IRL Corps
This project explores how the individual body, embodied in everyday reality ("In Real Life"), seeks to engage society by creating and disseminating its image on socio-digital media.
The series features Aimé, David, Hosanna, Manouchka, Moon, Niamh, Nicky, Violette, and Zoé, who perceive their bodies on interactive platforms as a political object, an assertion of identity, or vitality. It highlights the desire to express oneself or belong to a community while underscoring the risks and challenges associated with online self-exposure.
The images prompt reflection on the role of technology in shaping our perceptions of our bodies and identities, as well as their political and social significance.
Each person "performs" their public persona against a black or white background, drawing upon emblematic elements from their own social networks for interrogation. The series incorporates gestures and self-representation devices, blending selfie poses and mirror games. Artificial light, simulating a sunny window, cuts through the scene theatrically, emphasizing the documentary and fictional ambition of self-representation.
With support from CNAP, Centre national des arts plastiques, for documentary photography.
An exhibition is produced and realized, as part of the Cnap Suite program with ADAGP and Académie des beaux-arts will take place at Gallery Destin Sensible, Mons-en-Barœul, France, from June 6 until July 26, 2024.
A book is published by Witty books, released June 2024.
Corps IRL
Ce projet explore comment le corps individuel, incarné dans la réalité quotidienne (« In Real Life »), tente d'interpeller la société en créant et en diffusant son image sur les médias socio-numériques.
La série présente Aimé, David, Hosanna, Manouchka, Moon, Niamh, Nicky, Violette et Zoé, qui considèrent leur corps sur les plateformes interactives comme un objet politique, une affirmation d'identité ou une vitalité. Elle met en lumière le désir de s'exprimer ou d'appartenir à une communauté, tout en soulignant les risques et défis liés à l'exposition de soi en ligne.
Les images incitent à réfléchir sur le rôle de la technologie dans la perception de notre corps et de nos identités, ainsi que sur leur portée politique et sociale.
Chaque personne "performe" son personnage public sur un fond noir ou blanc, extrayant des éléments emblématiques de ses propres réseaux sociaux pour les interroger. La série intègre des gestes et dispositifs d'autoreprésentation, mêlant poses de selfies et jeux de miroirs. La lumière artificielle, simulant une fenêtre ensoleillée y découpe la scène de manière théâtrale, soulignant l'ambition à la fois documentaire et fictive de la représentation du soi.
Avec le soutien du CNAP, Centre national des arts plastiques, pour la photographie documentaire. Une exposition réalisée et réalisée, dans le cadre du programme Cnap Suite avec l'ADAGP et l'Académie des beaux-arts à la Galerie Destin Sensible, Mons-en-Barœul, France, du 6 juin au 26 juillet 2024.
Un livre publié aux éditions Witty books, sortie Juin 2024.
Corps IRL
texte Jos Auzende
À l’ère des réseaux sociaux, rois insatiables de nos vies connectées qui incitent au dévoilement de soi et aux égoportraits selfies, la série photographique Corps IRL de Vincent Ferrané présente le corps individué et incarné dans la réalité quotidienne (« In Real Life ») quand il gagne une dimension politique en interpellant la société par la diffusion de son image sur les médias numériques.
Plutôt qu’un grand récit, le producteur d’images engage la conversation avec neuf personnes aux sensibilités vibrantes qui (se) mettent à nu leur ouverture au monde autant qu’une initiation à l’être : entre universalité et spécificité, Aimé, David, Hosanna, Manouchka, Moon, Niamh, Nicky, Violette et Zoé ont fait de leur corps un écran et de leurs réseaux numériques un mode d’écriture et de recherche, tour à tour Safe place, icône ou Cheval de Troie. Leurs huis-clos utopiques célèbrent les différences, l’intimité, l’inconformité et rêvent d’inclusion à grande échelle dans un rapport d’immédiateté. Renversant les rôles du sujet percevant et du monde perçu, l’expérience de Corps IRL invite à voir à travers elleux, selon elleux.
Au travers d'un questionnaire-écho aux prises de vue, les interprètes de Corps IRL ont livré certains aspects de leur personnalité, de leurs goûts ou préférences personnelles pour se décrire succinctement.
Extraits :
“Je suis un artiste trans, non-binaire, handi et psychic. [...] mon approche spirituelle est une partie intégrante de mon identité d’artiste”
AIMÉ
“Je suis un homme cisgenre, Noir, gay et gros. [...] je ne corresponds pas à une certaine norme du coup montrer mon corps (de façon banale dans mon quotidien ou de façon plus recherchée sur des photos) c’est un acte politique,”,
DAVID
“Ça a commencé en voulant partager ma beauté avec les autres. Puis ça s’est transformé, du fait que mon corps est gros, ça l’a rendu politique,
HOSANNA
“J'utilise Instagram pour parler de mon alopécie universelle. [...] Je veux me montrer sans mes cheveux pour donner de la force aux femmes, aux filles, qui vivent la même chose que moi. “
MANOUCHKA
“Je suis coréenne.[...] Comme on ne peut que partager « des images virtuelles » [sur les réseaux sociaux], la représentation de soi est réduite dans le «corps.[...] Je partage mes vécus sur le cancer”,
MOON
”Je suis une étudiante anglaise qui passe l'année en France. L'art, et en particulier la photographie, occupe une grande place dans ma vie. Je fais beaucoup d'autoportraits que je partage souvent en ligne”.
NIAMH
“Je suis trans masc non binaire, accord masculin et explore les notions d’intimités, d’identité, de fantasme et les fragiles limites de nos réalités socioculturelles. La photographie, le cinéma, les textes et l’audio se croisent et se questionnent dans des installations performatives.”,
NICKY
”je suis travailleuse du sexe et drag performeur”,
VIOLETTE
“je suis artiste, autrice, actrice, modèle vivant et malentendante depuis peu. [...] Mon travail s’articule autour de la question du récit du corps et de ses limites.”.
ZOÉ
Safe place
C’est une démarche globale de libération et d’empowerment, autant à l’échelle individuelle que collective. je m’adresse (...) aux personnes qui sont en ‘healing process’. AIMÉ
Sur des plateformes en ligne, des stratégies de valorisation des différences, d’auto-réparation et d’inclusion répondent aujourd’hui à un système de valeurs stéréotypé et normatif qui stigmatise et relègue à la périphérie les personnes considérées non-conformes.
Portés par des individus et leurs communautés actives, ces
Safe Places, les protagonistes présentés dans Corps IRL les ont créés, façonnés, affirmés et fait grandir en éclatant les barrières socioculturelles, et en faisant évoluer les regards discriminants sur les notions arbitraires d’incapacité : le handicap visible ou invisible, la “bonne apparence”, la “bonne santé”, la “bonne orientation sexuelle” ou encore le “bon genre”. C’est en studio que Vincent Ferrané recourt à la reconstitution pour réaliser la série photographique de leurs neufs portraits corporels posés, fragiles et intimes.
Corps phénoménal
Beaucoup d’émotions dans un grand corps. HOSANNA
Le corps phénoménal, dans la pensée de Merleau-Ponty, c’est celui par lequel j’agis. qui est avec moi, jamais devant moi. Ainsi, les interprètes du projet considèrent leur extraordinaire corps comme l’affirmation d'une identité, une force de vie sensible ou un étendard politique. Une ode à la liberté qui « dit tout » sans taire l’essentiel, où chacun est sous le regard de tous, par choix.
À la manière d’un instrument optique qui décompose le regard et la perception, Corps IRL ouvre grand la fenêtre sur des formes spécifiques d’auto représentation et de jeux d’exposition de soi, des poses selfies aux surfaces miroirs.
Dans la chambre noire de Vincent Ferrané, guidé.e. par des instructions précises, chacun.e “performe“ son personnage public, sa gestuelle expressive avec ses artifices emblématiques : perruques, appareils auditifs, téléphone ou trépied.
Faire chair
C’est mon corps et ma vie, mon corps et mon expérience, mon corps qui raconte ce qu’il sent, absolument tout ce qu’il sent. MANOUCHKA
À travers leurs médias sociaux, chacun.e voit le monde par sa chair là où toute réalité prend naissance, par son corps-écran dans lequel (se) refléter, (se) voir soi-même, appartenir à l’espace poreux du dedans et du dehors In Real Life.
Complémentaire et tout aussi charnelle, l’expérience que leur propose le photographe orchestre la surexposition consentie et voulue sur la scène d’un Il était une fois Narcisse d’aujourd’hui dont les réseaux Internet décuplent les reflets. Corps IRL offre au spectateur un point de vue diffracté qui dirige le regard là où l'œil n’a à priori pas accès, vers la chair commune de corps à la fois sujets et objets, traversés par le monde.
(Se) montrer
Dire mon corps, montrer mon corps et donc le raconter dans sa spécificité permet à d’autres de le faire, les autorise, en miroir. ZOÉ
Exister c’est être vu. Ainsi, au premier plan, les individualités sont comme au balcon de soi-même : elles montrent et se montrent tandis que le photographe, submergé par le trop plein d’images de notre régime d'hyper-visibilité numérique de tous par tous, déplace ses questionnements strictement liés à l’intimité vers une immersion dans la perspective et le cadre de l’autre.
Témoin de ce changement de posture dans une époque où chacun se regarde soi-même et renvoie sa propre image, la série Corps IRL place les personnages au centre du monde tels des icônes tout en révélant la quête implicite d’horizon commun, de consensus, de cohérence. Du sacre de l’image à l’image sacrée.
Cheval de Troie
L’écran c’est notre fenêtre sur le mainstream, j’essaie de le voir comme un cheval de Troie. NICKY LA PIERRE
Sortir de soi. Rentrer en soi. Être soi. La sphère privée et ses réalités souvent voilées cèdent la place sur les réseaux sociaux actuels au besoin autogénéré de s’exposer sans honte et sans contrainte.
Comment passer de la moins value de la non-conformité à la plus value de la particularité ? C’est dans le passage réciproque d'un intérieur vers l'extérieur et d'un extérieur vers l'intérieur, d’un virtuel et d’un IRL que les regards changent. Avec dramaturgie, entre exhibitionnisme et voyeurisme, les neufs protagonistes se dénudent pour affirmer leur désir de s'exprimer, d'appartenir à une communauté et d’agir politiquement sur les représentativités malgré les risques liés à l'exposition de soi en ligne.
Là où l’image a lieu
Comment un corps « source », un corps In Real Life, se mute-t-il en un corps subjectivé, investi d’un sens ? VINCENT FERRANÉ
Inscrit dans une longue histoire de la fabrique du regard et du portrait, le projet Corps IRL rend compte de la recherche plastique du photographe Vincent Ferrané menée depuis une dizaine d'années sur l'union intime du corps au monde.
Le faiseur d’images aborde la série de portraits-diptyques comme une image diffractée de la réalité, à la manière d’une étude détaillée des formes de représentation individuelle et de leur valeur symbolique : pour souligner l'ambivalence des frontières du soi et capter les langages du corps par-delà son apparence, il resserre les niveaux de profondeur à un même plan et mobilise les possibilités illusionnistes des miroirs. De l'œil aux corps, le regard du photographe cherche à fixer l’énigme de la perception, entre ce qui est donné à voir et ce qui est dérobé, dans l’angle mort, là où l’image a lieu.
IRL Corps
Text by Jos Auzende
In the era of social networks, insatiable kings of our connected lives that encourage self-disclosure and selfies, Vincent Ferrané's photographic series "IRL Corps" presents the individualized and embodied body in everyday reality ("In Real Life") when it takes on a political dimension by challenging society through the dissemination of its image on digital media.
Rather than a grand narrative, the image producer engages in conversation with nine individuals with vibrant sensitivities who bare themselves, revealing their openness to the world as much as an initiation into being: between universality and specificity, Aimé, David, Hosanna, Manouchka, Moon, Niamh, Nicky, Violette, and Zoé have turned their bodies into screens and their digital networks into modes of writing and exploration, sometimes serving as a Safe place, icon, or Trojan Horse. Their utopian closed-door encounters celebrate differences, intimacy, nonconformity, and dream of large-scale inclusion in a relationship of immediacy. Overturning the roles of the perceiving subject and the perceived world, the experience of "Corps IRL" invites seeing through them, by them. From the sanctification of the image to the sacred image.
Safe place
‘It's a comprehensive approach to liberation and empowerment, both individually and collectively. I address (...) people who are in the 'healing process'. AIMÉ
To a stereotyped and normative value system that stigmatizes and relegates non-conforming individuals to the periphery, today responds, on online platforms, strategies for valuing differences, self-repair, and inclusion. Carried by individuals and their active communities, these Safe Places, the protagonists presented in "Corps IRL," have created, shaped, affirmed, and grown them by breaking sociocultural barriers and evolving discriminatory views on arbitrary notions of disability: visible or invisible disability, "good appearance," "good health," "good sexual orientation," or even "good gender." It is in the studio that Vincent Ferrané resorts to reconstruction to realize the photographic series of their nine posed, fragile, and intimate body portraits.
Phenomenal body
‘Many emotions in a large body’. HOSANNA
The phenomenal body, in Merleau-Ponty's thought, is the one through which I act, which is with me, never in front of me. The interpreters of the project consider their extraordinary bodies as an affirmation of identity, a force of sensitive life, or a political banner. An ode to freedom that "tells all" without silencing the essential, where everyone is under the gaze of all, by choice.
Like an optical instrument that decomposes sight and perception, "Corps IRL" opens wide the window on specific forms of self-representation and self-exposure games, from selfie poses to mirror surfaces. In Vincent Ferrané's studio, guided by precise instructions, each one "performs" their public persona, their expressive gestures with their emblematic props: wigs, hearing aids, phones, or tripods.
Becoming flesh
‘It's my body and my life, my body and my experience, my body that tells what it feels, absolutely everything it feels’. MANOUCHKA
Through their social media, each one sees the world through their flesh where all reality originates, through their body-screen in which to reflect oneself, to see oneself, to belong to the porous space of the inside and the outside In Real Life. Complementary and equally carnal, the experience proposed to them by the photographer orchestrates the consensual and desired overexposure on the stage of a contemporary Narcissus whose Internet networks amplify reflections. "Corps IRL" offers the viewer a diffracted point of view that directs the gaze where the eye does not initially have access, towards the common flesh of bodies that are both subjects and objects, traversed by the world.
Exposing oneself
‘Saying my body, showing my body, and therefore telling its specificity allows others to do so, authorizes them, as a mirror’. ZOÉ
To exist is to be seen. Thus, in the foreground, individualities are like balconies of oneself: they show and display themselves while the photographer, overwhelmed by the overflow of images in our regime of hyper-visibility, shifts his inquiries strictly related to intimacy towards immersion in the perspective and framework of the other. Witness to this change in posture in an era where everyone looks at themselves and reflects their own image, the series "Corps IRL" places the characters at the center of the world as icons while revealing the implicit quest for a common horizon, consensus, coherence. From the sanctification of the image to the sacred image.
Trojan Horse
‘The screen is our window to the mainstream, I try to see it as a Trojan Horse’. NICKY LA PIERRE
Going out of oneself. Coming back into oneself. Being oneself. The private sphere and its often concealed realities yield to the self-generated need for exposure on current social networks, without shame and without constraint. How to move from the devaluation of non-conformity to the added value of particularity? It is in the reciprocal passage from an interior to an exterior and from an exterior to an interior, from an online to an IRL (In Real Life) that perspectives change. With dramaturgy, between exhibitionism and voyeurism, the nine protagonists bare themselves to affirm their desire to express themselves, to belong to a community, and to act politically on representations despite the risks associated with self-exposure online.
Where the image takes place
‘How does a "source" body, a body In Real Life, mutate into a subjectivized body, invested with meaning?’ VINCENT FERRANÉ
Embedded in a long history of the construction of sight and portraiture, the "IRL Corps" project reflects the plastic research of the photographer Vincent Ferrané conducted over the past decade on the intimate union of the body with the world. The image maker constructs a precise study of forms of individual representation and their symbolic value: to underline the ambivalence of the boundaries of the self and to capture the languages of the body beyond its appearance, he tightens the levels of depth to the same plane and mobilizes the illusory possibilities of mirrors. From the eye to the bodies, the photographer's gaze seeks to fix the enigma of perception, between the visible and the invisible: where the image takes place.